La peinture de Pitu (Julie Rovira) est souvent qualifiée de néo-expressionniste. Elle l’est par bien des aspects, mais l’énergie unique qui s’en dégage est mûe par une intuition picturale profonde qui permet à l’artiste de décliner des figures émotionnelles, des variétés d’émotions et des situations du sensible dans une incroyable galerie de portraits, frères et sœurs nombreux et infiniment nuancés de l’hypersensibilité.

Car elles sont bien de la même famille, ces faces sculptées par la couleur, en buste, en pied, par deux, par trois, à table, en voiture. Des yeux ronds, « vairons », en cercles concentriques, allument les visages pleins ; les couleurs s’incrustent, dégoulinent, soulignent ou s’épanouissent en cils pétales. Chaque regard est double, perçant, hypnotique, et projette sa charge émotionnelle sans détours.

La spontanéité de la peinture est flagrante, qui empêche toute rengaine et réinvente pour chaque figure son identité, sa personnalité et sa sensibilité. Les yeux sont essentiels, mais l’arête du nez, les pommettes, la bouche rouge carmin (le seul attribut qui ne change jamais de couleur), les cheveux, définissent la coloration affective ou sentimentale de chaque personnage. Et lorsqu’il est en pied, le vêtement y va intuitivement de ses motifs signifiants.

Parfois, l’émotion et le souvenir appellent le dessin, celui d’autres visages au trait noir enchâssés sur le front, la poitrine, ou bien un mot, un prénom qui surgit pour dire ce qui peut-être n’est pas suffisamment clair ou que l’on ne peut pas oublier. Les fonds monochromes qui enveloppent les figures sont autant d’écrans qui les mettent en lumière.

Pitu ne cesse d’explorer la matière émotionnelle. Elle a choisi l’aventure picturale. Elle revendique l’expérimentation libre de techniques et de supports, en accord avec sa personnalité curieuse, inspirée entre autres par l’art brut, Jean-Michel Basquiat ou le Groupe Cobra.